Formation professionnelle
8 mai 2025
Rémi Bazille
6 Minutes
Définir vos objectifs pédagogiques : comment et pourquoi ?

Offrir une formation à ses collaborateurs équivaut à lancer un nouveau projet. Or, aborder un projet sans savoir où l’on souhaite se diriger peut engendrer une perte de temps et de ressources. C’est pourquoi définir des objectifs précis représente un atout essentiel pour toute entreprise. Les résultats en dépendent, ainsi que l’implication des apprenants. Comment s’y prendre pour fixer ces buts pédagogiques et pourquoi est-ce aussi déterminant? Éclairage complet ci-dessous.
Le rôle des objectifs stratégiques pour l’entreprise
Lorsqu’une organisation, comme Mentore, envisage une action de formation, elle ne s’engage pas simplement à dispenser un contenu scolaire. Elle réfléchit aux finalités que cette démarche va servir. Les objectifs stratégiques correspondent ainsi aux intentions globales poursuivies, par exemple :
Accroître la compétitivité d’une équipe pour faire face à un marché concurrentiel.
Accompagner une transition technologique (nouveau logiciel, nouvelles pratiques de vente…).
Améliorer la qualité du service pour répondre aux exigences réglementaires françaises (source: Ministère du Travail, 2020).
En clarifiant d’emblée ces perspectives, il devient plus simple d’identifier des indicateurs de performance (ou KPI) destinés à évaluer l’impact de la formation. Par exemple, une entreprise souhaitant rendre ses managers plus autonomes pourra mesurer la diminution du taux de turnover ou le nombre de conflits internes résolus sans recours à un service de médiation. L’enjeu dépasse la simple acquisition de connaissances et permet de s’assurer d’un retour sur investissement concret pour la structure.
De la stratégie globale aux objectifs de formation
Une fois les objectifs stratégiques posés, il est recommandé de les décliner en objectifs de formation. Cette déclinaison décrit ce que le cursus doit couvrir pour répondre aux intentions établies. Imaginons qu’une société de commerce électronique veuille renforcer la satisfaction client : l’objectif général pourrait être “Former le personnel à la communication inter-culturelle et à la gestion de conflits”. On veut, au final, un contenu de cours adapté qui touche à la fois à la connaissance des différents profils de clientèle, aux techniques de négociation verbale et à la gestion émotionnelle.
En parallèle, la mise au point d’examens ou de mises en situation pratiques peut se préparer dès cette étape. Les objectifs de formation sont généralement orientés vers les compétences à transmettre : maîtriser un outil de gestion (ERP), conduire un entretien annuel d’évaluation ou encore animer une réunion. Chaque objectif de formation trouve ses racines dans les visées stratégiques, mais s’exprime de manière plus opérationnelle et concrète.
Définir le volet opérationnel pour les apprenants
Les objectifs opérationnels concernent, quant à eux, les acquis que chaque participant pourra appliquer immédiatement une fois la formation achevée. C’est ici qu’apparaît la notion de “savoir-faire” et de “savoir-être”. Au sein de la culture managériale française, on valorise de plus en plus la dimension comportementale, surtout lorsqu’il s’agit de s’adapter aux équipes multiculturelles ou de gérer la relation client.
Par exemple, si une entreprise met en place une session autour de la négociation commerciale, l’objectif opérationnel pourrait être : “Être capable de conclure une vente tout en respectant les normes de protection du consommateur en France”. Pour valider cet objectif, on peut se fier à un indicateur tel que la progression du taux de conversion ou la satisfaction client. Les managers, comme interlocuteurs clés, peuvent fournir une vision concrète de ce qui est attendu sur le terrain.
Objectifs pédagogiques et objectifs spécifiques : deux repères clés
En pédagogie, on distingue souvent les objectifs pédagogiques des objectifs de formation généraux. Les premiers se centrent sur ce qui va être effectivement appris et évalué : connaissances, compétences et attitudes requises au terme des séances. On parle aussi d’objectifs d’apprentissage. Lorsqu’un consultant conçoit un cours, il choisit les activités et les supports qui permettront d’atteindre ces paliers.
Ensuite, on trouve les objectifs spécifiques, qui reprennent l’esprit des objectifs pédagogiques, mais en ciblant une unité de formation particulière. Par exemple, dans un module consacré aux techniques de vente, un objectif spécifique pourrait être “Découvrir et appliquer la méthode de questionnement SPIN pour identifier les besoins d’un prospect B2B”. On affine ainsi la capacité à développer un comportement ou une compétence précise, ce qui facilite l’évaluation et la progression par étape.
La taxonomie de Bloom : hiérarchie des verbes d’action
Pour orchestrer efficacement cette architecture d’objectifs, la taxonomie de Bloom (source: Bloom, 1956, révisée en 2001) reste une référence incontournable. L’idée est de classer, du plus simple au plus élaboré, les actions que l’apprenant doit pouvoir réaliser en fin de programme :
Connaître : mémoriser des informations fondamentales (par exemple les dispositions légales concernant le Code du travail).
Comprendre : reformuler un concept pour montrer qu’il a été assimilé.
Appliquer : utiliser les informations dans un autre contexte.
Analyser : décortiquer une problématique pour mieux l’appréhender.
Synthétiser : combiner plusieurs éléments afin de créer une nouvelle proposition.
Évaluer : estimer la pertinence ou la qualité de ces mêmes éléments.
Dans un module français dédié à la protection des données personnelles (RGPD), on passera d’abord par la mémorisation des principes juridiques (Connaître), puis on évaluera si le salarié est apte à les appliquer sur un logiciel interne (Appliquer), pour finalement juger sa capacité à proposer des améliorations concrètes (Évaluer). Chaque étape sert de palier vers un niveau de maîtrise supérieur.
La méthode SMART : valider la pertinence des buts
Au-delà de Bloom, la méthode SMART est très utilisée par les responsables de formation, car elle permet de vérifier la cohérence et la faisabilité de chaque objectif :
Spécifique : l’objectif est rédigé sans ambiguïté. Par exemple, “Augmenter le nombre de managers certifiés sur la norme ISO 9001”.
Mesurable : on peut chiffrer ou évaluer sa réalisation, comme “Former 10 managers au cours du prochain semestre”.
Atteignable : la taille de l’équipe à former et les ressources (formatrices, salles, horaires) doivent être compatibles avec l’objectif.
Réaliste : il convient d’estimer si l’entreprise possède réellement les moyens financiers et humains pour cette opération.
Temporellement défini : on fixe une date butoir, “Fin 2025”, par exemple, afin d’encadrer l’effort.
Cette approche, déployée en France depuis plus de vingt ans (source: Centre de Recherche en Management, 2021), assure un ancrage pratique. Elle balise chaque objectif et empêche de se lancer dans une formation hors de portée ou trop vague. Les organismes de formation, y compris Mentore, l’utilisent pour clarifier leurs propositions et élaborer un pilotage rigoureux.

Quelques exemples d’objectifs concrets
Pour mieux cerner la façon de formuler ces objectifs, prenons quelques scénarios imaginaires et inspirants :
Augmentation de la productivité commerciale : “Renforcer les techniques de closing auprès de l’équipe commerciale pour obtenir une hausse de 15 % du chiffre d’affaires sur le segment PME, d’ici six mois.”
Evolution des pratiques managériales : “Former les chefs d’équipe aux méthodes de gestion de conflit afin de réduire de 20 % les différends nécessitant l’intervention d’un service RH, sur une période de douze mois.”
Transition numérique : “Accompagner la prise en main d’un nouveau CRM pour augmenter de 30 % la vitesse de traitement des demandes clients, d’ici la fin de l’exercice fiscal.”
Dans chacun de ces exemples, on trouve une cible mesurable (pourcentage, délai, domaine d’application) et un lien clair avec les besoins de l’entreprise. Les apprenants savent ce que l’on attend d’eux, ce qui facilite l’engagement et la concentration.
Pourquoi lier objectifs pédagogiques et enjeux économiques français ?
Sur le territoire français, la formation professionnelle bénéficie d’un cadre légal particulier, soutenu par des dispositifs comme le Compte Personnel de Formation (CPF) ou des aides régionales. En 2022, plus de 7,4 millions de formations ont été financées par le CPF (source: Caisse des Dépôts, 2023). Les entreprises y voient donc une opportunité de maintenir ou d’améliorer leur compétitivité, tout en investissant dans l’employabilité des salariés.
Relier objectifs pédagogiques et enjeux économiques sert à optimiser les ressources engagées. Il ne s’agit plus seulement d’obtenir un certificat, mais de contribuer à la performance globale de l’organisation. Les indicateurs de succès incluent non seulement le taux de réussite aux évaluations, mais aussi les retombées concrètes : augmentation du volume de ventes, réduction du turnover ou meilleure satisfaction client.
Par ailleurs, la culture managériale française insiste de plus en plus sur le développement du capital humain, notamment à travers l’acquisition de compétences comportementales (“soft skills”). En résulte une transformation progressive de la nature même des objectifs de formation, désormais plus ouverts à des dimensions telles que l’intelligence émotionnelle ou la maîtrise de la communication non verbale.
Structurer la progression : le principe de cohérence pédagogique
Pour réussir, il est judicieux d’anticiper la structure complète du dispositif, de la première séance à l’évaluation finale. Une cohérence pédagogique forte évite la dispersion et l’éparpillement des ressources. Chaque séquence doit avoir un objectif précis et contribuer à un objectif plus large. Si l’on propose un atelier pratique sur les appels clients, il devra servir l’objectif global “Maîtriser la relation client B2B” et, en parallèle, compléter un autre module portant sur la gestion de données confidentielles.
Ce souci d’alignement se retrouve dans les formations certifiantes financées par des organismes français, où la validation des blocs de compétences s’effectue étape par étape. Concevoir un parcours complet, avec des jalons successifs, permet au formateur de répondre aux besoins identifiés et à l’entreprise de constater le progrès à chaque niveau.
Passer à l’action : conseils pratiques
Une fois tous ces principes définis, il est temps de les appliquer au quotidien. Voici quelques recommandations pour bâtir un référentiel d’objectifs efficaces :
Échanger avec les managers : ils connaissent les situations de terrain et les attentes concrètes de l’entreprise.
Penser compétences avant supports : privilégier une approche par compétences visées, plutôt que de démarrer par un catalogue de slides ou de vidéos.
Maintenir une flexibilité : les objectifs peuvent évoluer selon la conjoncture économique ou les retours des apprenants.
Utiliser des indicateurs parlants : taux d’absentéisme réduit, augmentation des ventes, résolution plus rapide des litiges…
Planifier une évaluation finale et un suivi post-formation : un quizz de validation peut confirmer les acquis et mettre en lumière les axes d’amélioration.
Mettre en œuvre ces conseils ne se fait pas en une semaine, mais le gain de temps ultérieur est réel : la formation devient mieux ciblée, plus efficace et plus attractive pour les collaborateurs.
Vers de nouvelles perspectives
La définition rigoureuse d’objectifs pédagogiques, qu’ils soient stratégiques, opérationnels ou spécifiques, constitue un réel investissement. Au-delà du simple transfert de connaissances, c’est tout un ensemble de méthodes et de pratiques qui se met en place pour renforcer la compétitivité économique et la cohésion interne. Les analyses détaillées, appuyées par des indicateurs précis, permettent de mesurer le succès de la démarche. Chaque entreprise peut alors ajuster ses formations, développer ses collaborateurs et cultiver un avantage concurrentiel durable.