Formation professionnelle
17 juin 2025
Rémi Bazille
6 Minutes
Gamification et Formation Professionnelle - Combo gagnant !

Avant d’aborder les mécanismes ludiques, il est intéressant de comprendre pourquoi la formation classique fait parfois l’objet de réticences. Certains modules de plusieurs jours, par exemple, mettent en avant des contenus théoriques qui peuvent sembler monotones aux yeux des employés. Les longues sessions devant un diaporama ou la passivité encouragée par des exposés magistraux entraînent un désengagement progressif.
En France, la formation est pourtant un levier stratégique pour maintenir la compétitivité. Les dispositions légales (telles que celles du Code du travail) incitent les entreprises à proposer des parcours de perfectionnement à leurs collaborateurs. Paradoxalement, une partie du budget formation demeure parfois sous-utilisée à cause de l’ennui ou du manque de temps. Face à cette situation, plusieurs professionnels se tournent vers un panel de méthodes pédagogiques plus dynamiques. C’est dans ce contexte qu’intervient la notion de gamification, dont l’objectif est d’insuffler de la créativité au processus d’enseignement.
Définir la gamification : au-delà du simple divertissement
Le principe de ludification revient à injecter des mécanismes propres au jeu dans un environnement qui n’y est pas destiné. Les points, les badges, les niveaux, les défis chronométrés ou encore les classements font partie des ingrédients les plus courants. La force de ce concept réside dans son aspect modulaire : il s’adapte à un large éventail d’actions professionnelles, qu’il s’agisse de perfectionnement métier, d’onboarding ou de gestion de projet.
Pour faire simple, la gamification valorise l’expérimentation. Au lieu de transmettre des connaissances “en bloc”, elle incite l’employé à progresser par paliers. Chaque réussite est récompensée, ce qui nourrit le sentiment d’accomplissement. Loin d’être un gadget, cette approche s’appuie sur des ressorts psychologiques puissants : l’envie de se dépasser, la satisfaction d’obtenir un retour immédiat ou la motivation suscitée par une compétition amicale.
Des racines historiques méconnues
L’expression “gamification” remonte à 2002, grâce à l’inventeur Nick Pelling. En réalité, ses prémices se dessinent dès le XIXe siècle avec les premiers programmes de fidélité outre-Atlantique. Aux États-Unis, les timbres commerciaux “S&H Green Stamps” favorisaient déjà la répétition d’achats en récompensant chaque visite. Les décennies suivantes voient apparaître de nouvelles formes de ludification : en 1981, une grande compagnie aérienne américaine popularise la notion de "miles", stimulant la loyauté client.
Sur le plan vidéoludique, les années 1970 et 1980 ont été décisives : l’essor des bornes d’arcade a familiarisé toute une génération à la mécanique du score et à la performance instantanée. Lorsque les jeux vidéo sont entrés dans les foyers, ces concepts se sont normalisés. Puis, avec la vague “Serious Games” des années 2000 (source : EdTechXGlobal, 2020), l’idée d’un jeu instructif a progressivement imprégné l’univers de l’apprentissage. En France, les instituts de formation et les grandes écoles de commerce ont commencé à expérimenter ces outils pour accroître la participation des étudiants.
Perspectives pour la France : analyses et enjeux
Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises françaises s’intéressent à la gamification. Le phénomène touche à la fois le recrutement, l’animation des équipes commerciales et la formation interne. Les régions peuvent également accompagner ce mouvement à travers diverses subventions, incitant les structures à moderniser leur offre d’enseignement. Outre l’aspect technologique, un argument de taille retient l’attention : le taux de mémorisation grimpe lorsqu’on implique les apprenants dans un scénario interactif.
Selon plusieurs études (source : FFP, 2021), plus de 40 % des grandes sociétés auraient déjà introduit une forme de gamification dans leurs programmes de développement des talents. Une tendance qui s’explique par un besoin pressant : la compétitivité internationale exige des employés adaptables et créatifs. Avec l’émergence du télétravail, la ludification contribue par ailleurs à maintenir le lien social et la cohésion d’équipe, bien que les collaborateurs se trouvent parfois dispersés géographiquement.

Points forts de la ludification
En analysant le retour d’expérience de nombreuses sociétés, on constate divers bénéfices concrets :
Motivation renforcée – L’aspect compétitif et le plaisir de relever un défi incitent les apprenants à s’investir pleinement. Les victoires successives, même modestes, entretiennent la dynamique.
Meilleure rétention d’information – L’approche par l’expérimentation et le feedback instantané favorise la mémorisation à long terme, aidée par l’effet de surprise ou de découverte.
Suivi individualisé – Les plateformes gamifiées offrent souvent des dashboards de suivi où l’employé visualise ses progrès. Les statistiques de performance soutiennent une démarche d’amélioration continue.
Renforcement de la cohésion – Les jeux d’équipe et les classements collectifs créent une émulation positive. Chacun est encouragé à partager son savoir-faire et à encourager les collègues.
Satisfaction client accrue – Certaines entreprises élargissent la ludification à leurs programmes marketing, ce qui fidélise aussi la clientèle (badges de statut, systèmes de points cumulables, etc.).
De plus, l’évolution des technologies, comme la réalité virtuelle ou le mobile learning, offre un terrain d’expression quasi infini. Les apprenants ne sont plus cantonnés à une salle de classe : ils peuvent progresser au bureau, chez eux ou lors de déplacements professionnels.
Comment intégrer la gamification à un module de formation
Adopter une stratégie ludique n’est pas anodin et demande une préparation solide. Avant de concevoir un système de points ou de badges, il convient de déterminer clairement les objectifs pédagogiques. Les missions proposées doivent être cohérentes avec les compétences à acquérir : on ne se lance pas dans une chasse au trésor si l’on souhaite perfectionner un logiciel de gestion comptable. Au contraire, un jeu de simulation où le collaborateur manipule virtuellement l’outil sera plus pertinent.
Par ailleurs, il est recommandé d’introduire des mécanismes d’interactivité. Les quiz, les défis collaboratifs ou l’autonomisation de l’apprenant par “capsules” de quelques minutes renforcent l’engagement. Il est aussi judicieux de s’appuyer sur un outil auteur permettant de varier les formats : story-learning, mini-jeux en équipe, système d’entraide via chat intégré, ou encore mécaniques de “battles”. L’enjeu est d’offrir une progression graduelle, ponctuée de récompenses, tout en veillant au sérieux des contenus.
Le cas des jeux d’équipe : une clé pour la cohésion
Alors qu’une part croissante de l’activité professionnelle se réalise en télétravail, nombreuses sont les structures qui cherchent à renforcer le sentiment collectif. Organiser un atelier de team-building sur une plateforme gamifiée peut être un levier puissant. Imaginer un “escape game numérique” dans lequel chaque service a un rôle précis à jouer, ou un tournoi de quiz hebdomadaire, motive même ceux qui préfèrent généralement rester en retrait. À la clé, on observe souvent une meilleure entraide lors des missions professionnelles.
L’élément social va au-delà de la simple compétition. Grâce aux interactions en direct, la ludification s’apparente parfois à un réseau interne où les collaborateurs partagent astuces et commentaires. Le “social learning” offre un cadre d’échanges plus souple et renforce la rétention de connaissances. On souligne par ailleurs l’importance de valoriser toutes les contributions : le système de points peut récompenser non seulement la réussite à un jeu, mais aussi l’aide apportée à d’autres participants.
Vers de nouvelles perspectives
La gamification a déjà conquis un large public, de l’éducation initiale à la montée en compétences des adultes. Les entreprises françaises, soucieuses de se distinguer, y voient une méthode fiable pour maintenir la motivation de leurs collaborateurs et nourrir la performance globale. Le phénomène gagne encore en maturité : la personnalisation, l’analyse des données et l’adaptation permanente aux besoins réels des utilisateurs sont les prochains grands enjeux.
L’expansion des outils numériques a créé un terrain de jeu idéal pour la ludification. Les formateurs professionnels peuvent désormais s’appuyer sur des solutions riches, avec un panel d’activités variées : quiz, capsules vidéo, modes en réalité augmentée ou activités synchrones. Dans la période économique actuelle, l’agilité constitue un atout pour persévérer et se démarquer. Grâce à des modules interactifs, chaque individu évolue à son rythme, sans sacrifier la qualité du contenu.
En définitive, miser sur la gamification ne relève pas uniquement d’un effet de mode : c’est un choix stratégique qui s’appuie sur des études solides et des réussites récurrentes. Le phénomène est parti pour s’installer durablement dans les pratiques de la formation professionnelle, soutenu par des innovations continues.